Avec le déploiement de la Garde nationale à Washington D.C., la démission du directeur du Bureau of Labor Statistics (pratiquement le principal service de statistiques économiques aux États-Unis), l’attaque contre la banque centrale, les discussions avec la Russie et les prochaines étapes de la guerre commerciale, les vacances d’été n’ont pas été de tout repos pour le président Trump. À court terme, c’est surtout cette guerre commerciale qui est pertinente pour notre économie. La principale nouvelle à cet égard a été la conclusion, fin juillet, d’un « accord » entre les États-Unis et l’Union européenne prévoyant un droit d’importation de 15 % sur toutes les exportations européennes vers les États-Unis, tandis que l’Europe n’imposerait pas de droits supplémentaires sur les exportations américaines vers l’Europe. Cet « accord » montre une fois de plus que l’Europe est beaucoup plus dépendante d’elle-même.
Cet « accord » a suscité un certain soulagement dans certains milieux. Une taxe de 15 % est en effet inférieure aux 20 % (voire 30 % à un certain moment) qui avaient été initialement envisagés. Mais il ne faut pas oublier que ce taux de 15 % est environ dix fois plus élevé que la taxe à l’importation qui s’appliquait jusqu’au début de cette année aux exportations européennes vers les États-Unis. Quoi qu’il en soit, cela reste un changement énorme pour le commerce mondial, avec des conséquences principalement négatives. Car les guerres commerciales font surtout des perdants. Une analyse antérieure du FMI sur les droits à l’importation dans 151 pays entre 1963 et 2014 montre que des droits à l’importation plus élevés entraînent une baisse de la croissance économique. En outre, ils entraînent une baisse de la productivité, une augmentation du chômage, une augmentation des inégalités, une hausse de l’inflation et une baisse des dépenses des ménages.
Les États-Unis seront le plus grand perdant de cette guerre commerciale. Les analyses des taxes à l’importation précédentes montrent clairement que celles-ci causent le plus de dommages économiques au pays qui les impose. Ce sont en effet principalement les consommateurs et les entreprises locaux qui devront supporter ces taxes à l’importation. Les analyses de Goldman Sachs indiquent que jusqu’à présent, 80 % des prélèvements sont répercutés localement. Et le plus gros impact, sous forme d’une inflation plus élevée et d’une croissance économique plus faible aux États-Unis, est encore à venir. Les prévisions de croissance pour les pays industrialisés illustrent également les dommages attendus pour l’économie américaine. C’est ce qui ressort notamment de la récente révision des prévisions de l’OCDE. Selon une mise à jour publiée en juillet, l’activité économique aux États-Unis serait fin 2026 inférieure de près de 1 % à ce qui était encore prévu en janvier. Il s’agit du plus fort recul parmi les principaux pays industrialisés. Dans la zone euro, le recul reste limité à 0,2 %. En ce sens, l’Europe a raison de limiter autant que possible les contre-mesures.
L’Europe peut tout à fait sortir gagnante de cette débâcle, mais elle doit d’abord cesser de se focaliser sur Trump. La bonne nouvelle, c’est qu’il existe en Europe un potentiel bien plus important pour faire mieux que les dégâts que Trump peut nous causer. Au sein du marché européen, il existe encore de nombreuses barrières commerciales qui freinent les échanges dans la région. Selon le rapport Draghi, l’activité économique dans l’Union européenne pourrait être supérieure de 10 % si ces barrières étaient supprimées. Pour la Belgique, cela correspondrait à environ 65 milliards d’euros supplémentaires d’activité économique annuelle. Pour l’ensemble de l’UE, cela représente près de 1 900 milliards d’euros. Ce potentiel est bien supérieur aux dommages que Trump pourrait nous causer avec sa guerre commerciale.
Si la guerre commerciale est enfin pour l’Europe le signal d’alarme (nécessaire depuis longtemps) qui lui permettra de renforcer structurellement sa propre économie, notamment grâce à un véritable marché intérieur avec beaucoup moins d’obstacles, un marché des capitaux unifié, une coopération accrue en matière d’innovation, moins de réglementation et de charges administratives, l’Europe a toutes les cartes en main pour sortir renforcée de cette crise. Le fait que trop peu d’efforts aient été déployés à cet égard jusqu’à présent devrait susciter beaucoup plus d’émotion que la question de savoir si nous sommes en train de perdre ou non la guerre commerciale.
Bart Van Craeynest
Économiste en chef VOKA